“Un déjeuner-Zoom, c’est loin d’être productif!”

Conversation avec Barton Seaver, chef cuisinier de renommée internationale et spécialisé dans les produits de la mer durables. Il est également auteur et enseignant. 

Alors que les entreprises s'adaptent à de nouvelles méthodes de travail et font des projections pour un retour en toute sécurité sur le lieu de travail, beaucoup repensent au rôle que l'alimentation - en particulier l'alimentation durable - jouera pour façonner le nouvel environnement de travail.

Barton Seaver est un chef de cuisine distingué et l'auteur de huit livres. En tant que directeur du programme Sustainable Seafood and Health Initiative à la Harvard School of Public Health, il a mené des campagnes de sensibilisation des consommateurs et des institutions sur la manière dont nos choix alimentaires peuvent favoriser la santé, la résilience des écosystèmes, la sécurité des approvisionnements alimentaires et l'épanouissement des communautés. M. Seaver nous parle ici de la durabilité de l'alimentation actuelle et de la manière dont le nouveau lieu de travail peut y répondre. 

Toute votre carrière, vous avez travaillé à la sensibilisation autour des produits de la mer durables. Comment le concept de durabilité a-t-il évolué au cours de cette période ?

La durabilité est l'une des idées les moins séduisantes dans la mesure où il s'agissait de conserver les choses en l'état. La durabilité signifiait en fait maintenir l'accès aux produits que nous avions déjà, plutôt que d'envisager les systèmes alimentaires dans leur ensemble.

Avant même que les aliments ne soient chargés dans un camion pour arriver jusqu'à nous, nous devons considérer toutes les autres problématiques qui son qui touchent par la chaîne d'approvisionnement alimentaire, tels que l'égalité des sexes, les questions politiques et commerciales mondiales, le statut des réfugiés et les droits de l'homme.

Comment, si tant est que ce soit le cas, la pandémie a-t-elle contribué à ces changements ? 

Au cours de l'année écoulée, nous avons pris conscience qu'il ne s'agissait pas seulement de durabilité dans les exploitations agricoles ou dans l'eau, puis de durabilité dans l'assiette. Il y a un énorme espace intermédiaire que nous avons longtemps négligé. Par exemple, si votre viande de bœuf est durable, le traitement des travailleurs dans la chaîne d'approvisionnement peut, lui, se révéler non durable.

L’urgence économique et morale d'investir désormais dans la durabilité tout au long de la chaîne d'approvisionnement est l'une des meilleures choses que la Covid-19 ait apporté.

Quelle est la responsabilité des entreprises pour offrir à leurs collaborateurs des choix alimentaires durables ?

L'alimentation est un facteur déterminant de la santé des employés. L'alimentation durable ne concerne pas seulement l'environnement, mais aussi l'utilisation de la nourriture pour subvenir aux besoins nutritionnels des personnes.

Par ailleurs, nous savons que l'agriculture animale moderne est un vecteur de transfert de maladies et de résistance aux antibiotiques. Si les entreprises ne veulent pas d'autres pandémies, peut-être qu'une façon de les atténuer est d'examiner ces sources de risque et d'agir. Si nous considérons l'alimentation comme l'un des principaux facteurs de risque pour l'environnement des entreprises, nous avons également la possibilité de provoquer des changements importants.

À votre avis, quel sera l'avenir de l'alimentation au travail ? Quels types de tendances voyez-vous se dessiner ? 

L'avenir de l'alimentation sur le lieu de travail est un moyen pour les entreprises non seulement de faciliter un écosystème prospère, dont nous sommes le noyau, mais aussi d'utiliser la nourriture comme une plateforme et un langage universel, qui fait comprendre directement aux employés qu'ils sont appréciés. Plus que jamais, cette réflexion générale, orientée vers l'émotion, est pertinente sur le lieu de travail.

L'alimentation au travail va devenir beaucoup plus diversifiée. Pour les entreprises, cela signifie apprendre à mettre en place une stratégie alimentaire très cohérente, ainsi qu'une compréhension claire, au niveau de la direction, de l'objectif du service alimentaire et de la manière de mesurer les résultats souhaités.

Concrètement, la distribution centralisée va perdre de son importance, compte tenu des plages de travail changeantes, du télétravail, et de la tendance des jeunes générations à ne plus prendre trois repas par jour. Il suffit pour s'en convaincre d'observer les campus de Google, où la nourriture est intégrée à tous les aspects de l'expérience des employés.

En ce qui concerne l'alimentation dans le contexte du travail, quelles sont les principales considérations que les entreprises devront prendre en compte à l'avenir ?

Dans tout bâtiment, les espaces les plus intangibles, mais conséquents et potentiellement rentables, sont les parties communes. Et la cafétéria est utilisée pour bien plus que la simple distribution de calories. Elle est utilisée pour la pollinisation croisée. Elle sert à créer ce sentiment de communauté dans lequel les gens se sentent à leur place. C'est ce qui humanise un lieu bien plus qu'un bureau ergonomique ou une nouvelle chaise. C'est une chose essentielle dont nous avons tous manquée avec Zoom - vous pouvez avoir une réunion Zoom productive ; vous ne pouvez pas avoir un déjeuner Zoom productif.

A l’avenir, le défi pour les employeurs sera de savoir comment intégrer dans la culture de l'entreprise l'importance de cet aspect culturel de la nourriture. C'est une opportunité incroyable en ce moment car nous sommes en train de réimaginer une grande partie de la manière dont nous envisageons le travail.

Cet article est extrait de la série " Experience Next " de Sodexo sur la transformation vie privée - vie professionnelle.

Êtes-vous prêt à transformer la façon, le lieu et le moment où la nourriture est mise au service de votre entreprise chaque jour ? Pour en savoir plus : lire 'Sans les océans, quel avenir avons-nous ?'